dimanche 8 mai 2011

Inégal Matsuev

Parfois, on attend beaucoup d'un concert, ce qui implique presque automatiquement une déception (sauf peut-être si on a affaire à Brendel... et encore). J'avais été à la fois séduite par la technique et la poésie de Denis Matsuev l'année dernière et espérais avoir (enfin) affaire à un pianiste de la vieille école, comme il ne s'en fait (malheureusement) presque plus. Le programme était conçu pour démontrer virtuosité (Mephisto de Liszt et Deuxième Sonate de Rachmaninov), délicatesse (mouvements lents des sonates), rigueur (« Appassionata » de Beethoven) et maîtrise du style (Sonate en la mineur de Schubert).

Si Matsuev convainc sans l'ombre d'un doute dans la première catégorie, semblant constamment repousser les limites de la vitesse d'action de la touche du Steinway de la Place des Arts, et m'a plongée dans le ravissement dans la première page du mouvement lent de la Sonate de Rachmaninov, j'ai de nombreuses réserves côté rigueur et style, Matsuev ayant une tendance certaine à russifier tout ce qu'il touche. Le Schubert se trouve ainsi transmis avec une puissance absolument inutile, qui occulte toute la subtilité de la partition. L'abus de rubato m'a également fait grincer des dents à plus d'une reprise. Oui, la musique doit respirer et une battue métronomique est à proscrire, mais, néanmoins, l'auditeur a besoin de pouvoir évoluer dans un certain cadre qui ne relève pourtant pas du carcan.  L'« Appassionata » convainquait plus même si elle ressemblait à des dizaines d'autres, les emportements équilibrant enfin certains instants réfléchis.

La deuxième partie a permis à Matsuev de retrouver son élément. Sa Mephisto était enlevée (même si j'ai préféré les deux versions enregistrées précédemment, plus narratives) et, avec le Rachmaninov, il a enfin atteint cette zone d'interprétation qui frisait la perfection. Cela valait-il non pas un, deux, mais six rappels? Permettez-moi d'en douter. Il a néanmoins su démontrer une délicatesse délicieuse dans le Liadov, a plus que convaincu dans son Rachmaninov, a franchi selon moi la frontière du kitsch dans l'Humoreske de Chtchédrine et l'arrangement de Ginzburg de Dans l'antre du roi de la montagne, avant d'ouvrir la porte à une grande question avec son dernier bis: devrait-il plutôt se diriger vers le jazz? Ce que j'ai entendu à ce moment-là était assurément exceptionnel.

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