lundi 19 septembre 2011

Quand le livre alimente la pièce


Anna sous les tropiques, pièce de l'auteur cubain Nilo Cruz, prix Pulitzer 2003, a pris l'affiche jeudi dernier au Théâtre du Rideau vert (en première en version française). Le propos en est assez séduisant. On retrouve une famille élargie dont les membres, tous les jours, se côtoient dans une fabrique de cigares. Plutôt que d'être abrutis par la répétition des gestes, ils écoutent un lecteur, homme distingué et bien mis (Benoît Gouin, suave) qui partage avec eux Anna Karénine de Tolstoï. Les étendues enneigées font rêver Marela, la plus jeune fille d'Ophélia et Santiago (Geneviève Schmidt, qui joue à merveille le rôle de l'ingénue, entre petite fille et femme en devenir), le triangle amoureux parle doublement à Conchita qui s'engage dans une relation passionnelle avec le lecteur, Santiago trouve inspiration dans un personnage secondaire et tente de retrouver le souffle de sa jeunesse. Une fois le livre refermé à la fin de la journée de travail, il continue adroitement de faire son œuvre, tant auprès des personnages que du spectateur.

Si je n'ai pas été éblouie par une mise en scène somme toute assez sage (mais qui avait le mérite d'être claire) de Jean Leclerc, j'ai été séduite par un texte souvent fort travaillé (peut-être trop, considérant que ces mots sortent de la bouche d'employés d'usine, mais peu importe, au théâtre, on veut parfois être édifié) et la façon dont le chef-d’œuvre de Tolstoï devient personnage du récit, moteur d'action. En sortant du théâtre, je me suis aussi dit qu'il était impératif que je lise ce roman. Comme quoi, les grands canons de la littérature peuvent se glisser dans des endroits où on ne les attendait pas nécessairement.

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