dimanche 24 février 2013

West Side Story et Reich

Consacré cette année aux voix et percussions, le Festival MNM bat son plein depuis jeudi. L'offrande se révèle presque pléthorique et, certains soirs, des choix parfois déchirants doivent être faits. On peut aussi refuser de trancher et voir deux concerts, comme je l'ai fait hier, passant de l'univers de Bernstein à celui de Reich, le temps de me sortir « Tonight » de la tête en franchissant d'un bon pas la distance séparant le Centre Pierre-Péladeau de la salle Redpath.

Le Festival MNM présentait d'abord la version de chambre, pour quatre chanteurs, cinq percussionnistes, un pianiste et projections du mythique West Side Story de Bernstein. Tous gardent en mémoire des images ou des interprétations de cette production légendaire et se posaient sans doute comme moi la question suivante: « Le projet initié par les Percussions Claviers de Lyon ne dénaturera-t-il pas le propos en le transposant de façon aussi épurée? » Le prologue a suffi à dissiper le doute. La transcription de Gérard Lecointe témoigne d'un immense respect du texte, le moteur rythmique de la partition de Bernstein se trouvant peut-être même rehaussé par ce traitement aux percussions, admirablement réalisé par les cinq complices du groupe, qui transmettent le tout avec précision et inspiration.

Les projections réalisées à partir des illustration d'Étienne Giuol, qui évoquent tantôt un New York presque fantomatique - mais avec un trait de crayon d'une rare précision -, tantôt l'émotion du moment, tantôt le mouvement pur (superbe segment d'animation sur « Cool »), ajoutent une dimension cinématographique qui ne nuit en rien à la compréhension du propos musical. On aurait facilement pu ici tomber dans la BD rétro, les « Pow »,« Kaboum » et autres interjections cherchant à combler les trous narratifs entre les différents numéros retenus. Au contraire, les textes enrichissent l'écoute et le souvenir que l'auditeur peut entretenir de la partition. Le fait que les projections se fassent sur deux fonds de fils plutôt que sur un fond (ou devant) de tulle ajoutent à la fluidité et au scintillement des images, tout en permettant aux quatre chanteurs, mis en espace par Jean Lacornerie de façon efficace, d’apparaître à point nommé pour un solo, un duo ou un numéro d'ensemble.

Les voix des quatre solistes convainquent (mais, sans surprise sans doute, l'articulation anglaise manque de clarté), mais ne transmettent pas toutes la même énergie ou la même intention musicale. La soprano Perrine Madoeuf possède un timbre somptueux, très opératique, qui enlève un peu de la fragilité que l'on aurait aimé sentir chez Maria. La mezzo Landy Andriamboavonjy offre quant à elle une Anita très sensuelle, qui bouge parfaitement, habitant la scène dès qu'elle apparaît. Une même dichotomie se retrouve du côté des voix masculines. Si le timbre du ténor Pierre-Antoine Chaumien (Tony) séduit, le baryton Fabrice Alibert captive côté présence scénique. Ces réserves n'ont toutefois en rien entaché le plaisir de la représentation.


Changement d'intention, d'émotion, avec le programme entièrement consacré à Steve Reich proposé par le McGill Percussion Ensemble: trois œuvres, trois approches complémentaires, trois facettes d'un même langage. L'idée d'intercaler le Sextet (écrit en 1984) entre Music for Pieces of Wood et Music for Mallet Instruments, Voices and Organ, deux pages écrites en 1973, fonctionnait bien, permettant un aller-retour temporel aussi bien qu'esthétique, même si le travail sur les timbres et la façon de présenter les motifs se veut différente dans les deux œuvres antérieures. Dans les trois cas, le travail sur la pulsation s'est révélé impeccable, sans jamais tomber pourtant dans le mécanique. Celle-ci restait profondément vivante, comme un cœur qui bat, comme ces jours qui se suivent, mais ne se ressemblent jamais entièrement. Comme la vie.

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