dimanche 14 avril 2013

Découvrir Aperghis et Françoise Rivalland

L’Ensemble Transmission (qui amorce à partir de l'automne 2013 une résidences de 3 saisons à la Chapelle historique du Bon-Pasteur) proposait un programme éclectique vendredi, centré autour de Georges Aperghis, né à Athènes en 1945, installé à Paris depuis 1963. Compositeur prolifique et polyvalent, il est particulièrement célébré pour ses opéras et son théâtre musical, dont Commentaires, pierre angulaire du genre, dont on a entendu avec grand plaisir des fragments.

Celui qui a choisi de « faire musique de tout » porte à la voix un amour certain. Il décortique les mots pour en extraire les phonèmes, les réagençant de façon souvent ludique. Grâce aux répétitions, à une grande vitesse et un travail sur les intonations, il transforme le propos en haute voltige. Comme Claude Gauvreau avec son exploréen, il invente une langue qui, malgré ses improbabilités, demeure toujours intelligible au niveau des intentions, comme si de ce matériau brut, de cette syntaxe originelle, naîtraient demain ou dans cent ans les mots. L'auditeur respire avec l'interprète, sourit des détours pris par le langage, ne peut être que soufflé par le côté parfaitement organique de ces compositions. Portés par une interprète telle Françoise Rivalland, ces œuvres prennent une dimension tantôt poétique, tantôt humoristique, autant de poésies minimalistes, d'histoires qui naissent et meurent sous le souffle et les doigts de l'interprète. Totalement habitée par la rythmique et les intonations des textes, Rivalland nous a présenté des extraits de Zig-Bang, ainsi que l'essentiel Corps à corps, pour zarb et voix (onomatopées et textes), l'une des œuvres du compositeur les plus données.



En prélude aux œuvres d'Aperghis, elle a également interprété le premier mouvement d'Ursonate de Kurt Schwitters, une page absolument fascinante, datant de 1927, entre sculpture sonore et beatbox. Les motifs s'articulent, se décuplent, permettant l'érection d'une structure sonore parfaitement cohérente qui ne perd jamais l'auditeur dans ses méandres. (Le compositeur en interprète ici un extrait en 1932.)



Le concert permettait également de découvrir la musique instrumentale d'Aperghis, son Trio pour clarinette, violoncelle et piano, galerie d'instants, autant de micronouvelles qui réussissent à capter (souvent en 140 notes ou moins) une émotion, un personnage, de la mégère au penseur, du soliloque minimaliste au débat fougueux. Comme son compatriote Xenakis, Aperghis travaille le son dans toute l'étendue de la palette, du pianissimo au fortissimo presque brutal, la beauté se trouvant si proche de la laideur.

Deux jeunes musiciens de la relève, Émilie Girard-Charest (violoncelle) et Felix Del Tredici (trombone) se sont également joints à Transmission dans Volo Solo de Cornelius Cardew, pour combinaison flexible d'instruments. Si j'ai eu l'impression que la pièce rompait un fil narratif habilement tendu jusque là, on ne peut que saluer la volonté de l'ensemble d'offrir une telle passerelle à ceux qui défendront la musique d'aujourd'hui demain.

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