mercredi 17 juillet 2013

L'oreille absolue

Il faut admettre que peu d’écrivains savent comment aborder le monde un peu particulier de la musique. Certains glisseront peut-être ici ou là le titre d’une chanson populaire, mais rares seront ceux qui oseront pénétrer cet univers que l’on imagine à l’air raréfié, celui de la musique dite de concert. Les puristes qui attendaient un livre dense pourront se rabattre sur une partition de leur choix et l’analyser en détail, car dans ce premier roman pour adultes, Mathieu Boutin entreprend de démystifier – démythifier plutôt – la musique classique.

David, jeune violoniste charmant, déjà vaguement blasé, accumule les contrats de quatuors dans restos, synagogues et autres lieux improbables. Un soir où il dépose en catastrophe son instrument blessé chez son luthier, il rencontre Robert, quinquagénaire membre des deuxièmes violons de l’orchestre symphonique local. Si les premiers échanges se révèlent un peu tendus, les destins des deux musiciens se verront bientôt liés par un clin d’œil du « destin » un tantinet forcé. Boutin agit ici en deus ex machina qui manque un peu de discrétion, mais on accepte la donne de bon gré, car on suit avec un plaisir presque coupable les péripéties des protagonistes principaux, mais aussi des femmes de leurs entourages respectifs, amante, amie, collègue ou mère. Le personnage de Jasmine, mère de Robert, pianiste atteinte d’Alzheimer, reste particulièrement attachant, entre ses accès de rage et sa découverte toujours renouvelée de la musique, ne se rappelant pas d’une journée à l’autre avoir jamais maîtrisé les pièces qui se retrouvent sur son lutrin. (On osera souligner en passant que les études confirment qu’un nombre infime de musiciens professionnels est atteint d’Alzheimer, les constantes connexions entre les deux hémisphères et un corps calleux plus développé servant d’antidote quasi imparable à la maladie. Un cancer du cerveau aurait été plus vraisemblable, mais là aussi, choisissons d’accepter l’incohérence...)

On peut certes saluer la volonté de Mathieu Boutin d’initier le public au grand répertoire à travers cet opus. Si les mélomanes sérieux entendront illico les thèmes des pièces évoquées en lisant certains passages, les néophytes pourront se les approprier grâce à une liste fournie en annexe qui ratisse large, mais qui ne casse pas des briques côté originalité. Les professionnels risquent par contre d’être rebutés par les explications techniques qu’ils pourraient considérer comme simplistes. D’autres lecteurs se lasseront peut-être des envahissantes insertions de cadratins et commentaires directs, du type « Il y frotta de la colophane, maintenant qu’on sait ce que c’est »… Néanmoins, j’admettrai volontiers qu’à plusieurs moments, L’oreille absolue s’est révélé un véritable page turner et que je n’ai pu m’empêcher de sourire aux clins d’œil. Un livre d’été, à lire sur la terrasse, sur le bord de la piscine ou à l’ombre du grand chêne.



7 commentaires:

lewerentz a dit…

Tu m'as convaincue.

Lucie a dit…

J'espère que tu pourras le trouver facilement en Europe!

lewerentz a dit…

Pourquoi pas ? De nos jours, tout est disponible partout, non ? ;-D

Anne a dit…

J'avais déjà lu un avis chez Lali ;-)

Lucie a dit…

Lewerentz: au pire, il y a toujours le format électronique qui se moque bien des frontières, lui!

Anne: oui, elle a plus aimé que moi.

Karine:) a dit…

Il me fait de l'oeil, celui-là!

Lucie a dit…

Je pense qu'il devrait te plaire! :)