dimanche 17 novembre 2013

Edmonton

« Je vais vite, je ne prends pas le temps de vous dire, on n’arrête pas la masse en mouvement, dès qu’il y a mouvement, souvenez-vous, on met tout ça sur l’ordinateur, il faut y aller d’un seul geste, technique de la terre brûlée, ne rien laisser derrière, je… je… attendez… »  Guillaume Berwald joue le tout pour le tout avec Edmonton, misant aussi bien sur son expérience personnelle (il a, comme son héros, cédé un temps aux sirènes de l’argent en apparence facile dans une province en pleine expansion économique) que sur ses acquis littéraires. Ni tout à fait road novel à la Kerouac ni tout à fait tributaire de la vague d’autofiction ayant frappé la littérature québécoise ces dernières années, ce premier roman s’appréhende comme un objet littéraire aux contours quelquefois fuyants, dans lequel les deux solitudes ne sont pas nécessairement celles que l’on croit.
L’argent y joue un rôle essentiel, à la fois plaie et panacée, mais aussi le sens de la famille, Émil espérant peut-être mieux comprendre son frère en s’extrayant de l’existence morne qu’il croit être condamné à mener. Une version presque désincarnée de l’amour (qui ne rime pas ici avec toujours) est intégrée en filigrane, les fils tissés par les mots qu’Émil dédie à celle restée là-bas devenant de plus en plus fragiles au fil des semaines passées entre hommes, dans des conditions sordides, les chèques de paye servant le plus souvent à éponger des dettes de consommation.
Si l’écriture de Berwald se révèle d’une belle fluidité, travaillée sans devenir plaquée, il faut néanmoins accepter de se frotter à certaines aspérités, que ce soit l’intégration – nécessaire? – de segments en anglais ou l’instillation ici et là d’une impression de décrochage, le lecteur ne saisissant parfois qu’à moitié le sens de la quête initiatique du protagoniste principal. Peut-être faut-il simplement alors adopter un autre rythme de lecture, moins raisonné, comme lorsque les choses se précisent avec une clarté fulgurante au milieu d’un rêve qui semble pourtant nous échapper.« J’avais besoin d’atteindre ce niveau de fatigue extrême jusqu’à ne plus trouver la force de ne pas écrire. »  Malgré ces quelques réserves, on referme le livre suffisamment intrigué pour avoir envie de suivre Berwald, sur la route ou ailleurs, dans sa prochaine aventure littéraire.

1 commentaire:

Anne a dit…

Je ne sais pas si je craquerais pour ce livre... ? Je l'ai bien noté en tout cas.