dimanche 20 juillet 2014

Patchouli

Une narratrice de 24, bientôt 25 ans – quelques années à peine de plus que son auteure. Elle vient de passer sept ans autour du monde; elle rentre en terre natale, à Québec plus précisément, pour accompagner les derniers instants de sa mère. On se dit que le récit sera cousu de fil blanc, multipliera les références autofictionnelles à défaut des poncifs, jouera sur la carte de l’amplification des émotions. On aura tout faux, car il suffit de quelques pages pour comprendre que Sara Lazzaroni maîtrise assurément la forme narrative, n’hésitant pas à en bousculer les codes, les fragments de journal proposés dans le désordre nous révélant aussi bien le personnage que les gestes qu’elle pose au quotidien, qu’elle travaille dans un restaurant italien du quartier Saint-Jean-Baptiste, passe quelques instants à l’hôpital au chevet de sa mère ou parte pour une folle virée en agréable compagnie. Surtout, on réalise que la jeune auteure possède une voix, mûre, affirmée, que sa plume sait plonger dans l’essentiel, grâce à des phrases courtes, efficaces, qui suscitent des images n’ayant rien de convenu. « La musique commence. Le jeu des acteurs est exquis, les répliques s’entrelacent comme des pieds sous les draps. »
On s’attache à Patchouli, souhaiterait l’avoir croisée lors d’un de ces nombreux voyages, la voudrait comme sœur, comme amie, comme confidente. « C’est un esprit libre. Elle n’épargne rien ni personne. Elle ne connaît ni les détours de la politesse, ni le besoin de se contenir. Dans une société comme la nôtre qui choisit son vocabulaire en fonction des statistiques et qui préfère l’euphémisme à l’hyperbole, ça fait du bien de la côtoyer. » En choisissant de ramasser son propos sur une centaine de pages, la jeune auteure réussit à extraire l’essence même du personnage, gomme toute scorie qui aurait pu alourdir la lecture. Les relations qu’elle entretient avec son entourage sont évoquées avec finesse, jamais de façon unidimensionnelle. Oui, certaines affirmations relèvent trop de l’idéalisme pur pour ne pas faire sourire parfois. En même temps, n’avons-nous pas besoin de retrouver ce regard en rien désabusé que nous posions alors sur le monde?

2 commentaires:

Karine:) a dit…

J'ai peur de trouver le thème "trop" pour moi... mais bon, sait-on jamais... peut-être.

Lucie a dit…

Tu n'es pas obligée de lire toutes les Recrues!:)
C'est très court, en tout cas...