lundi 20 avril 2015

Travesties: éblouissant!

Photo: Andrée Lanthier
Travesties se révèle une réussite totale et je n'avais pas été autant séduite par une proposition du Centre Segal depuis Waiting for the Barbarians, il y a  un peu plus de deux ans (spectacle dont la trame sonore était d'ailleurs également signée par Dmitri Marine).

Bien sûr, le texte de Tom Stoppard, qui date du milieu des années 1970 et met en vedette James Joyce, Tristan Tzara et Lénine, qui auraient pu croiser la route de l'assistant-consul britannique Henry Carr à Zurich en 1917 est brillant. Précurseur des pièces mettant en scène des personnages historiques (l'auteur a usé de ce subterfuge à quelques reprises, notamment en tant que scénariste de l'oscarisé Shakespeare in Love), Travesties s'inspire de la pièce de Wilde L'importance d'être Constant où tous les personnages enrobent la réalité de multiples couches de mensonges, décapante peinture de société de Wilde que détourne admirablement Stoppard.

Un texte, si finement ciselé soit-il, ne se révèle pas toujours avec la même transparence, peu s'en faut. L'acteur et réalisateur Jacob Tierney (à qui l'on doit notamment le superbe The Young Trotsky) frappe fort avec cette première mise en scène théâtrale. On sent le plaisir qu'il a ressenti à décortiquer le texte, à en extraire les strates de sens, avant d'adopter une lecture pétillante, le spectateur ne décrochant à aucun moment au cours des deux heures quinze de la pièce. Chaque geste, chaque intention, chaque travail sur la langue (l'écriture de Stoppard est remarquable à ce niveau), chaque clin d’œil à Wilde, à Shakespeare aussi (impossible de ne pas penser à Beaucoup de bruit pour rien) est transmis avec une clarté indéniable par les membres d'une distribution exceptionnelle.

Photo: Andrée Lanthier
On se souviendra du mythique échange miroir de la pièce de Wilde entre Cecily et Gwendolen (Chala Hunter et Anne Cassar), du Joyce décalé campé par Jon Lachlan Stewart, de l'effervescent Martin Sims en Tzara, de l'attitude pince-sans rire de Pierre Brault en serviteur, de l'échange « doublé » (on se croirait au cinéma) du couple Lénine (Daniel Liliford et Ellen David), mais surtout de la maestria totale de Greg Ellwand en Henry Carr, absolument inoubliable, qui jamais ne se perd dans les méandres d'un texte pourtant très dense.

Il faut aussi saluer le décor à couper le souffle de Pierre-Étienne Locas (jamais la scène du Segal, pourtant souvent ingrate, n'aura paru si grande ou si bien structurée), les costumes réussis de Louise Bourret et le soin porté aux éclairages par Nicolas Descoteaux.

À inscrire à l'agenda d'ici au 3 mai.

CARR .Wars are fought to make the world safe for artists, It is never quite put in those terms but it is a useful way of grasping what civilized ideals are all about.
(...)
TZARA, War is capitalism with the gloves off and many who go to war know it but they go to war because they don't want to be a hero.



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